J'ai connu Robert au milieu des années 70, à Aix, nous étions tous les deux à la fac de sciences éco, avec quelques années d'avance pour moi. A l'époque il était très chevelu, et moi aussi ; ce n'est plus le cas, la mode a dû changer.
Je ne sais plus très bien comment nous nous sommes rencontrés, mais très vite nous sommes devenus proches : un intérêt commun pour la moto et la belle mécanique, les parties de cartes et les grands espaces. Et puis aussi une allergie commune à l'autorité et la réticence à suivre les chemins tracés. Mais surtout c'est son humour et sa gentillesse qui m'ont séduit, toujours partant et disponible pour les bons moments et les bons apéros, avec ce sourire qui donnait tout de suite envie de l'aimer.
C'est moi qui l'ai amené à Salon, lui le marseillais, et par conséquence je suis un peu à l'origine de sa rencontre avec Anne, la salonaise.
Je me souviens bien du jour où il m'avait raconté avec un sourire radieux et émerveillé que la relation avait commencé ; c'était un matin, et je crois bien qu'il bouillait de partager cela, il ne pouvait contenir un tel bonheur à l'intérieur de lui-même ; quarante ans plus tard elle est toujours là, et elle le pleure …
Nous ne nous sommes plus quittés depuis cette époque, nous avons galéré pour le boulot, souvent, et nous avons changé de statut, nous sommes devenus chefs de famille. Les parties de cartes ont diminué en fréquence, mais les fêtes et les apéros étaient toujours là, on en aurait quelques-uns à raconter, surtout en ce jour du beaujolais. Et puis nous étions plus nombreux, avec nos copines puis épouses, et les enfants plus tard. Il avait fait un bon choix avec Anne, mais qui avait choisi l'autre ?
Leurs trois enfants, Marie, Pauline et Vincent, tous présents aujourd'hui, ont été aimés. Plus récemment il a adoré sa petite fille, pour son nouveau rôle de grand-père gâteux ou gâteau.
Robert c'était la famille, d'abord, et puis les amis. Il adorait parler, il nous faisait rire, presque toujours de bonne humeur. Il arrangeait un peu les anecdotes, mais toujours de façon élégante et pleine d'humour. On le savait, mais on profitait de sa verve. Il était plein de vie. Dans les conversations il avait un extraordinaire sens de la repartie, souvent en décalage complet avec le sens de la discussion. Il avait l'art de voir différemment les choses, peut-être de voir plus loin ?
Sa retraite a coïncidé avec sa maladie, qu'il a affrontée avec courage, et sans se plaindre auprès de ses amis, il s'est simplement mis un peu en retrait : la fatigue, et certainement la lassitude après plusieurs opérations, la douleur et la gêne physique.
Il aura mené sa vie en ayant du mal à se caler dans la société, bien râleur comme tous les français, lui l'italien d'origine, et se heurtant aux cadres imposés, aux règles, aux contraintes de toutes sortes. Un enfant de 68, même s'il était un peu jeune à l'époque. Sa liberté ? Ses vacances en Italie et la moto, je crois que c'étaient les moments où il oubliait le quotidien.
La prochaine fête n'aura plus la même saveur, il y manquera Robert, sa gouaille et son appétit. Je pense à Anne et ses enfants, à Martine aussi, sa sœur, qui perdent un être bienveillant et responsable, un roc qui paraissait indestructible.
Je me fais un peu le porte-parole de tous les amis présents ou non, en te disant au revoir Robert, tu restes dans nos cœurs.